Mettre un terme au chantage exercé par les maîtres de stage et les directeurs hospitaliers sur cette main-d’œuvre corvéable et bon marché que sont les candidats spécialistes. Et profiter de cette petite révolution pour octroyer un statut social complet à tous les médecins en formation. Voilà l’ambition d’une proposition de loi d’Ecolo-Groen en cours d’élaboration, que nous avons pu consulter.

Cela ressemble plus à une démarche consultative qu’à une stratégie législative pure et dure. Ecolo-Groen veut en effet « briser les tabous » entourant les conditions professionnelles des candidats spécialistes et imposer le dossier dans le débat politique. Anne Dedry, ancienne collaboratrice de la ministre Alvoet, et Muriel Gerkens, présidente de la Commission santé, suivent ces matières depuis de longues années. Or, selon elles, le contexte actuel remettrait plus que jamais en question la qualité de la formation et, a fortiori, des soins. Elles plantent d’ailleurs le décor, celui d’un « parcours du combattant », en préambule de leur texte législatif. Les députées écolos citent notamment les horaires de travail interminables, la protection sociale incomplète –sans possibilité de se constituer une pension légale– ou l’irrespect, dans l’ensemble, des droits du candidat spécialiste.

« La première cause du non-respect des obligations légales est pour ainsi dire l’absence de séparation des pouvoirs, la relation d’autorité que les maîtres de stage exercent sur le candidat en tant qu’employeurs-formateurs-contrôleurs. Une situation en outre aggravée par le contexte global du mode de financement des hôpitaux belges, reposant sur le nombre d’actes posés ou prescrits et la nature de ces actes », estiment les auteures.

Diviser pour mieux… gérer

Les législateurs européens, et par voie de conséquence belges, ont déjà tenté d’améliorer le sort des médecins assistants, en fixant en 2010 un maximum d’heures prestées par semaine. Mais le candidat spécialiste reste un ovni social, plus vraiment étudiant, pas complètement employé, pas non plus indépendant. Des témoignages d’abus sont alors fréquemment entendus. Les mandataires Ecolo-Groen veulent dès lors que la loi règle les difficultés. Et quelle meilleure initiative que de donner suite aux revendications des principaux concernés.

Pour mémoire, les associations des médecins spécialistes en formation flamands (Vaso) et francophones (AMSF) avaient sondé leur base en 2015, plus d’un tiers de l’effectif belge. Le résultat était sans appel: 67 % plaidaient en faveur de la séparation des pouvoirs.

Inspirées par le terrain, les députées Gerkens et Dedry recommandent donc d’adapter le modèle mis en place il y a quelques années pour les candidats généralistes, à savoir le Centre de coordination de la formation (CCFFMG). Elles proposent de créer deux structures centralisatrices, l’une francophone et l’autre flamande, financées notamment par l’Inami et les services de stage accueillant les candidats spécialistes.

« On ne doit pas inventer quelque chose de tout à fait nouveau mais prendre les mêmes mécanismes et les adapter. C’est un modèle accepté, tant en Flandre qu’en Wallonie. Ça ne doit donc pas être si difficile de se dire : si c’est bien pour les généralistes, pourquoi ne pas faire quelque chose de similaire pour les autres », souligne l’élue Groen.

Organisés sous forme d’ASBL, ces centres prendraient en charge toute la partie administrative, la répartition dans les lieux de stage ainsi que la vérification de la qualité de la formation et du respect des limites du temps de travail.

Plus grande couverture sociale

Pour garantir une gestion équitable, les hôpitaux, universitaires ou non, y seraient représentés, au même titre que les maîtres de stage et les assistants. « Le spécialiste en formation ne dépendra plus de la subjectivité d’une seule personne mais d’une institution externe », nous explique Muriel Gerkens.

Cela « simplifierait également les conventions de stage et augmenterait la mobilité entre différents lieux de stage en Belgique comme à l’étranger tout en luttant contre les différences de traitement, parfois sensibles, entre les institutions », notent les cosignataires de la proposition, visant au passage une harmonisation des rémunérations.

Au-delà de ces avancées, la proposition de loi instaure par ailleurs l’octroi d’une protection sociale en bonne et due forme, tant pour les candidats généralistes que spécialistes. Moyennant évidemment le relèvement des cotisations payées par ceux-ci et par l’employeur. « Ce passage du statut sui generis vers un statut complet d’employé signifie donc que les cotisations de l’employeur, devenu le Centre de coordination compétent, augmenteraient de 21,08 à 31,98 % et celles du candidat de 4,70 à 13,07% », détaille le texte légal. Et les auteures d’insister sur le fait que la majoration des cotisations ne doit pas conduire à une diminution de l’offre de stage proposée aux médecins en formation.

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