Cette entreprise vous promet le nouvel Eldorado. Elle a abandonné l’exploration minière pour se concentrer sur le minage de devises numériques et autres services liés aux blockchains. Elle tiendrait d’ailleurs le bon filon puisque son action s’est envolée de 2000%. L’argent institutionnel y coule depuis à flots. Tout ce qui brille est or, non!?

Un changement d’appellation d’entreprise ne se limite parfois pas à de l’emballage publicitaire et renvoie à une nouvelle réalité d’affaires. Prenons un exemple concret au Canada avec Leeta Gold (LTA.H) qui, jusqu’il y a peu, avait pour principale activité la recherche de sites miniers.  

Cette société établie à Vancouver depuis 1987 a décidé de changer d’identité, pour la quatrième fois, alors qu’elle ne se dénommait Leeta que depuis février 2011. Mais la voilà rebaptisée en Hive Blockchain Technologies. Ça fesse!

Surtout pour une minière qui explorait le sol en quête de métaux précieux depuis trente ans sans jamais avoir réussi à aménager un site d’extraction.

Observons ici la transformation qui a donné naissance au premier mineur de cryptomonnaies inscrit à la Bourse de Toronto.

Minable?

«La société est actuellement en phase exploratoire de gisements au Canada mais n’a pas encore déterminé si ceux-ci contenaient des réserves économiquement recouvrables», précisait encore la direction de Leeta Gold au mois de mai.

Direction composée temporairement d’un homme-orchestre. À la fois PDG, président du conseil d’administration, directeur financier, secrétaire et directeur. Et apparemment bénévole, «l’absence d’accord avec les cadres dirigeants» empêchant de lui verser un salaire de base.

ceo leeta

Et, selon la dernière déclaration financière intermédiaire non auditée, la société n’avait généré «aucun revenu», accusant un déficit cumulé de 8,90 millions de dollars canadiens.

Une situation peu brillante, la poursuite des activités ne dépendant plus que de «la capacité à obtenir un financement supplémentaire». La minière reconnaissait elle-même «l’incertitude substantielle» planant au-dessus de sa tête et le «doute significatif» que cela pouvait susciter auprès d’investisseurs.

Heureusement, la magie de la technologie va bientôt produire ses effets.

Duo de choc

Leeta Gold conclut alors une entente avec Genesis Mining. Fondée en 2013, cette société privée hongkongaise assure des services de minage de cryptomonnaies à «plus d’un million de clients».

Dans le cadre de cet accord, celle qui va devenir Hive Blockchain s’engage à acheter à son nouveau partenaire un centre de données à Reykjanes, en Islande, doté notamment de 2300 cartes graphiques. Ce qui lui confère un avantage concurrentiel direct et lui permet de démarrer sans tarder les opérations de minage.

Ce centre n’a donc pas encore changé de propriétaire qu’il commence immédiatement le minage d’ether, la deuxième devise digitale par ordre d’importance financière après le bitcoin, dont la capitalisation de marché évolue actuellement aux alentours de 44 milliards $US.

ethereum market cap

«C’est le premier pas vers notre objectif de bâtir un chef de file, grâce au développement d’une infrastructure et de services professionnels autour de la blockchain et des cryptodevises», notent les nouveaux gestionnaires.

Le pivot est presque terminé, les promesses d’une technologie qui «va vraiment disrupter de nombreuses industries» attirant alors les fonds privés comme un puissant électro-aimant.

Pour se frayer un chemin sur ces terres inconnues de la monnaie d’internet, quand on peine déjà à trouver des pépites en sol canadien, mieux vaut bien s’entourer.

Risque de chute

La reine de la blockchain en devenir s’émancipe soudain financièrement. L’entreprise organise un financement privé sans l’intermédiaire de courtiers, émettant 55 millions de droits de souscriptions qui seront respectivement convertis en une action HIVE à la Bourse de croissance. Chaque titre ayant trouvé preneur au prix attendu de 30 ¢, voilà une récolte de 16,5 millions $ rondement menée.

HIVE deviendra rapidement l’une des actions les plus performantes de l’année sur ce marché. Son sommet «historique» surviendra début novembre à 5,37$, soit plus de 18 fois le prix initial. Mais le management a déjà prévenu qu’aucun dividende n’était à l’ordre du jour.

L’action accuse depuis des pics de volatilité. Le gendarme boursier canadien (OCRCVM) a dû suspendre les transactions pas plus tard que mardi, invoquant le motif de coupe-circuits pour contrer des mouvements de prix rapides et inexpliqués. Le cours a chuté de 7,59% à 3,53 $.

Placer son argent dans Hive Blockchain s’avère «hautement spéculatif, implique un degré élevé de risque et devrait seulement être opéré  par des investisseurs qui peuvent se permettre de perdre la totalité de leur investissement». C’est écrit noir sur blanc et répété plusieurs fois dans les 7 pages d’avertissement du prospectus de la société.

Pourtant, Hive Blockchain a entretemps levé 88 millions $ au cours de trois tours de financement stratégique. Cet argent frais lui a permis d’augmenter le minage en Islande et de se déployer en Suède. La société profite d’une visibilité accrue après avoir intégré l’indice Reality Shares Nasdaq Blockchain Economy, censé refléter le rendement des entreprises engagées dans l’innovation blockchain. Trônant aux côtés de géants tels que SAP, Hitachi ou encore Accenture.

L’inventaire des risques financiers ne semble donc pas refroidir les investisseurs. Même si «d’autres inquiétudes encore méconnues ou minimisées à l’heure actuelle peuvent avoir des effets contraires et affaiblir la valeur de marché», insiste la direction.

Le patron de Hive Blockchain confiait à ce propos avoir encore «beaucoup de problèmes à résoudre». Embrasser la vie de pionnier comporte son lot de défis, surtout pour des chercheurs d’or digital.

〉 Version courte de l’article « Cette entreprise abandonne les mines d’or pour… le minage de cryptomonnaies » paru initialement sur le blog Mine de rien, du journal Les Affaires.

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